Le Lundi matin ...

Aujourd’hui c’est mercredi. Mais un mercredi qui ressemble à un lundi.

Le cra tout de Noir vêtu attendait, assis sur son lit. Lui d’habitude si long à se mettre en marche était déjà prêt. Lui, d’habitude si débraillé, était tiré à quatre épingles.

Sa chambre d’ordinaire si peu rangée, semblait vide de tout. Et c’est sûrement ça qui choque le plus dans ce tableau.

Au pied du cra, un simple baluchon.

Une dernière question le tiraillait…. Ecrirait, n’écrirait pas ? Lui qui depuis sa naissance allait et venait telle une ombre s’apprêtait à nouveau à partir vers d’autres cieux.

Auparavant cela ne lui posait aucun souci. Solitaire par nature, il ne manquait jamais à personne.
Oui, mais là, il avait trouvé des gens agréables, aucun motif de fâcherie pour claquer la porte. Et il était prêt à partir comme ça, sans rien dire à personne.

D’un autre côté, bien peu lui accordait du crédit.

Ce brave Fiev, de temps en temps le citait pour le rappeler à la mémoire collective.

Pouvait-il faire ça comme ça ? Maintes fois cette question lui avait torturée l’esprit. Ce matin il était arrivé à la conclusion définitive que oui, il était prêt à partir sans se retourner. Et là, au moment de passer à l’acte, encore la même boule dans le ventre.

Partir sans rien dire, laisser les ragots aller bon train, il était habitué, il en avait encaissé d’autres.

Depuis le temps qu’il en parlait, il fallait bien que ça arrive.

Que pouvait-il faire d’autres ? Rien… Si ce n’est partir un lundi, ultime pied de nez au destin, et ultime pirouette pour tenter d’arracher un dernier sourire aux quelques admirateurs de cette parodie de clown qu’il était. Et quel meilleur lundi qu’un mercredi ? Poutou, incohérent jusqu’au bout…

Prenant son baluchon de la main gauche, le hissant difficilement au sommet de son épaule droite, Cra-poutou ouvrit la porte de sa chambre pour la refermer sans un bruit.

Légèrement voûté par le poids de son bagage, son ombre si grande au début de cette belle matinée sur le chemin dallé rapetisse à vue d’œil au rythme de ses mocassins traînants dans la poussière matinale.

Sans se retourner une seule fois en arrière, Kystes quitte ce lieu si chaleureux qui lui a tant apporté.